Jérôme Corderet, handicapé pas méchant !Jérôme Corderet, handicapé pas méchant !
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    Je m’appelle Jérôme Corderet, je suis handicapé de naissance, je suis atteint de paralysie cérébrale.

    Je me suis mis à écrire des textes car je n’avais aucune déficience intellectuelle, et je voyais des choses dans le médico-social qui ne me plaisaient pas ou tout au moins tout ce qu’il y avait à modifier pour être mieux pour des gens dits lourdement handicapés. Donc, voilà, j’ai commencé à écrire, j’y ai pris du plaisir, et je me suis mis à écrire sur d’autres choses que le médico-social, sur ce que je pensais du monde actuel et à venir. Ce ne sont que des idées auxquelles je crois.  Lire la suite.... 

    Intimité et être pudique

    vendredi 31 octobre 2025

    Depuis que je suis en institution, j’ai toujours constaté des problèmes sur l’intimité et sur la pudeur d’une personne.

    Déjà, toutes les personnes dépendantes ont besoin d’aide pour leur intimité en toute sortes ; normalement, elle ne doivent pas choisir qui le fait : tout le monde doit accompagner tout le monde.

    Moi, je suis désolé, mis j’ai une famille, et tout le monde ne m’emmène pas aux toilettes ou autre et on ne m’impose personne, à moins qu’il n’y ait qu’une personne, alors on doit faire avec, et c’est la vie. Mes parents m’ont éduqués comme ça, alors je pensais trouver des institutions un peu sous le même ordre des choses.

    Pour en revenir aux institutions, pour ma part, quand quelqu’un m’emmène dans mon intimité, il faut que j’ai confiance dans la personne, et qu’il y ait une certaine relation avant de me déshabiller devant elle.

    J’ai constaté que beaucoup de mes concitoyens n’avaient pas la même approche que moi : tout le monde emmène pisser tout le monde. Donc ça ne doit pas les déranger.

    Et je ne vous parle pas de l’autre intimité entre 2 personnes handicapées qui se font du bien comme ils peuvent ; et toutes les fois on leur dit : « non, ce n’est pas le bon endroit, ce n’est pas le bon moment » . Donc, il y en a qui se mettent dans une salle ou dans les WC ; et parfois, tu crois arriver dans une salle pour y faire quelue chose, tu ouvres, et tu te retrouves con parce que tu ne sais pas si tu dois les engueuler ou si tu dois refermer la porte.

    De toutes façons, ce n’est pas mon rôle de dire ce n’est pas le bon endroit ou de les engueuler. Je sais que c’est un vaste sujet, mais je me rends compte que, vu le changement de la population au niveau intellectuel, il y en a qui font ça n’importe où et les institutions ne se saisissent pas du réel problème.

    Pour moi, ça ne me gênerait ps qu’une institution mette en place une pièce, et ça rejoint un ancien texte sur la sexualité et le handicap. Mais je n’ai pas de solution miracle !

    Un autre exemple de l’intimité des personnes à mobilité réduite. Nombre personnes féminines ont des protection pour les jours où elles ont des problèmes classiques. Ezlles baladent leurs paquet de couches ou leur protections comme ça dans un sac où tu vois tout. Je trouve ça comme un manque d’intimité pour la personne, et même si on est en collectivité, je ne trouve pas ça bien au niveau discrétion.

    Deuxième exemple : un jour, j’ai dû aller, pour dépannage, dans un autre SAJ que je ne nommerai pas. J’ai vu un éducateur accueillir des stagiaires, soit AMP, soit autres. Et il leur a dit, (et je n’en rajoute pas !) « voilà les personnes qu’il faut accompagner ». Il ne leur a pas montré comment les accompagner, leur montrer les toilettes….

    Ça m’a choqué, moi, j’étais là en transit, mais ça m’a tellement choqué que je suis allé voir la direction qui était là en place et je lui en ai fait part. Je ne vous dirai pas ce qu’il m’a répondu, mais le comportement de ce professionnel après 20 ans de loyaux services au sein de la même structure, j’ai trouvé ça choquant et je trouve que dans beaucoup d’associations on laisse trop les gens trop de temps à la même place, dans le même SAJ, le même hébergement, sans changer ni le fonctionnement, ni les gens en place. Comment voulez-vous, après 20, 25 ans de boîte, avoir suffisamment de recul au niveau de l’intimité ? Je ne comprends pas ce fonctionnement la.

    Je ne l’ai jamais compris. Il faudrait que les directions actuelles qui sont surtout administratives soient plus proches du terrains pour se rendre compte. C’est bien joli d’avoir des chefs, des sous-chefs mais ça ne rend pas compte que les gens s’installent dans un fonctionnement sans se questionner.

    Un troisième exemple. J’ai été dans un mini SAJ où on devait prendre notre vie en main et découvrir , en appartement et en journée. Pour des raisons X qui m’échappent, ça n’a pas duré, mais pendant 3 ou 4 ans nous avons eu des stagiaires divers et variés et j’étais avec mes coéquipiers, ou mes concitoyens, et un jour, je n’en rajoute pas, un jour la demoiselle, je ne me rappelle plus son nom, était là en stage. Son premier jour de stage. On devait rentrer à l’appartement, monter à l’étage, et Christian devait faire un autre truc . Christian est l’éducateur qui était en charge des 4 dans le mini appartement. Il n’était pas monté tout de suite, parce qu’il avait des choses à faire en bas, ou des courses pour nous.

    Nous voilà tous monté et un usager, ou une usagère demande à la stagiaire, après une journée de présence auprès de nous de l’emmener aux toilettes. Elle n’avait aucune connaissance pour manipuler. Je n’étais pas là à l’accompagnement, mais apparemment, ça s’était bien fini.

    Tout ça pour vous dire que beaucoup de mes collègues ont de gros problèmes avec leur intimité personnelle et individuelle et ont demandé après un jour d’être emmené aux toilettes ; cette fois, il y avait le feu et ça pressait. Heureusement, c’est tombé sur quelqu’un qui, pour moi, est une des personnes qui, en tant que stagiaire collait bien au projet.

    Mais ça me serait arrivé à moi, j’aurai attendu Christian tant que j’aurai pu, et si j’avais eu une fuite, il y aurait eu une fuite ! Mais jamais je n’aurai pu demander à cette personne de m’aider à aller aux toilettes.

    Il y a un gros problème d’intimité quand on est dépendant des autres. On est trop institutionnalisé. Tout le monde doit tout faire et à tout moment. Peu importe qu’il soit prêt ou pas, ou que la personne accueillie soit prête ou pas.

    Certes, quand tu as du caractère comme j’en ai, tu arrives à faire passer l’info pour ton intimité. Mais je me rends compte que des gens qui ont le même handicap que moi, avec le même niveau intellectuel que moi, peut-être un peu moins, j’en sais rien, je ne suis pas là pour juger, et bien ce qui me dérange c’est qu’ils se dépoilent devant premier venu ou la première venue. C’est très bien que, dans les stages, et ça se fait maintenant dans des institutions que je connais, on demande une semaine ou deux et que surtout mes concitoyens prennent leur intimité en main.

    De même ne pas attendre que les salariés qui disent « non, tu ne dois pas aller faire pisser untel » « non ce n’est pas parce que on t’emmène aux WC qu’on s’occupe de toi »

    Pour moi, m’emmener aux toilettes, bien sûr ça m’aide techniquement, mais je ne rentre pas en relation avec la personne ; pas quand je ne la connais pas. Quand je la connais, bien sûr, on parle d’autre chose, de ce qu’on va faire dans les cabinets. Mais voilà, il faut avoir un sacré aplomb, une sacré stature, pour dire « non, je ne veux pas ». Moi, ça m’arrive, mais à des endroits, je sens que ça ne plait pas à tout le monde. Mais je n’en ai rien à foutre.

     

    Jérome Corderet 1 mai 2019

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