En étant dans des institutions depuis l’âge de 7ans j’en ai vu de l’autonomie à tout prix !
Exemple : demander à quelqu’un de débarrasser la table alors qu’il ne peut pas, ou si il peut, il s’en met partout. C’est ce que j’appelle de l’autonomie à tout prix. Faire pratiquer à un IMC une activité d’orientation alors qu’on sait que les IMC, en général, n’ont pas la boussole très juste. Leur faire pratiquer cela pendant des années alors que la tête n’est pas prête ce n’est pas de l’autonomie, c’est de la torture.
Un jour je suis rentré dans un bureau d’orthophoniste je lui dit « bonjour Madame j’aimerai apprendre l’orthographe ». Dans le centre avant, comme je parlais bien je n’avais pas droit à de l’orthophonie. Elle me dit on va donc commencer par un bilan d’orthophonie. Après avec son accord et le mien on a continué à faire de l’orthophonie en étant persuadé que cela allait améliorer mon orthographe. Au bout de 3 mois je lui ai dit « écouter Mme j’ai l’impression d’être à la maternelle ». Elle m’a dit « je sais pour le moment nous ne travaillons pas l’orthographe mais je tiens un peu ». Alors j’ai fait de l’orthophonie pendant 4 ans et grâce à une technique qu’elle a appris à Paris j’ai découvert qu’une partie de mon problème d’orientation était sur le fait qu’on ne m’a jamais fait travailler l’écriture attachée. Son travail c’était de me faire écrire en attaché, répéter des mots en les découpant. Écrire une lettre puis un mot, et une phrase tout en attaché. Pour écrire il faut aller à gauche, à droite, tu montes, tu descends sans t'en rendre compte tu fais de l’orientation sur ton papier. Et au bout de 6 mois je lui ai dit « certes l’orthographe ce n’est pas ça, mais en tout les cas vous m’avez rangé la tête ». Elle m’a demandé de préciser. Je lui ai dit« c’est moins le bordel dans mon cerveau. Je me repère mieux dans l’espace pour m’orienter. C’est moins le bordel dans mon ordinateur. Elle m’a dit « tu vois au début tu étais venu pour l’orthographe et aujourd’hui, c’est toi qui me dit que je t’ai rangé la tête ». Cela pour vous dire qu’avant de faire des activités d’orientation ou des manipulations de fauteuil, sans avoir en amont préparer le cerveau, cela ne sert à rien.
Et je pense que l’autonomie s’acquiert, c’est comme une matière. Si on ne sait pas mettre une stratégie en place, qu’on dit aux gens on va faire telle activité pour faire travailler ceci cela c’est bien pour vous les professionnels mais vous êtes en train de vous planter. Ce que je veux, moi, c’est que la personne qui fait l’activité maîtrise l’activité elle même. Après elle peut nous montrer, nous amener à faire, on est moins spectateur. Que vous soyez orthophoniste, ergo ou éducateur il faut commencer par le B.a ba et une fois que le cerveau est prêt on peut envisager des activités d’orientation.
J’ai connu un centre de jour ou certains animateurs, éducateurs trouvaient cela ridicule que l’on fasse tourner des personnes comme moi autour des tables avec un fauteuil électrique. Moi, aujourd’hui, je peux vous dire que si je maîtrise très bien mon fauteuil électrique c’est grâce à cela, à tout ça d’ailleurs.
Cette personne ne m’a pas fait que tourner autour d’une table. Il me dit « Jérôme on va aller faire un petit tour dehors avec ton fauteuil électrique ». On avait une place bourrée de nids de poules et le but du jeu c’était d’éviter ces nids de poules. Une fois qu’on a fait ça, il m’a dit « met une roue dans le nid de poules ». Il est resté à côté de moi. Et j’ai compris ! Il m’a dit « ton fauteuil est bien équilibré . Mais ce n’est pas fini. Tu vois l’énorme descente tu ne la prends pas par le plan incliné le plus bas mais le plan le plus rapide. Quand tu es en descente avec un fauteuil électrique tu restes toujours à la même vitesse et tu verras ton fauteuil ne glissera pas ». J’ai fait cela trois fois avec lui et la 3è fois il m’a dit « remonte tout seul je prends les escaliers ». Et pareil, même exemple, pour apprendre à se garer dans les véhicules il y a des rampes d’accès. Une fois que tu es en haut, si tu te gares en vrac, les autres ils ne tiennent pas. Au moins pendant 4, 5 séances il nous a fait faire ça, apprendre à faire des créneaux pour être bien rangé. Il nous a dit « c’est comme une voiture il faut te garer.
Et je t’aiderai pas, je te dirai ce qui faut faire mais je ne ferai pas à ta place ». Et je peux vous dire qu’aujourd’hui tous les véhicules c’est du gâteau. Et je pense qu’aujourd’hui dans les structures avant de faire des PPI savants, il faut commencer par demander à la personne où elle a envie d’être autonome. Si elle a envie de manger toute seule, si elle n’a pas envie de manger toute seule. Et je pense qu’on a un peu tendance à l’oublier. Ce sont les éducateurs qui pensent le bien pour nous et ça c’est la nouvelle génération d’éducateurs, ils arrivent et pensent à l’autonomie à tout prix ! Merci. De 7 à 23 ans tu es dans des centres où on te cadre tout le temps. Et d’un coup on te dit « monte dans le train » et là il faut aller dans le milieu d’adulte. Certes tu n’as pas appris à gérer tes papiers, à avoir une chambre à toi, parce que tu fais tout en collectif dans des centres d’enfants jusqu’à 20 ans. Alors quand tu te retrouves à 20 ans dans une chambre où on te dit « tu es chez toi et qu’on t’a pas appris à être seul ». Et je ne le dis pas pour moi, mais pour tous ceux qui sortent du CEM et qui ne peuvent pas le dire. On ne leur pas appris à être seul, à trouver des occupations que tu peux faire tout seul. Ils ont tous le temps quelqu’un avec eux. Il faudrait quand on arrive dans le dernier groupe et que l’institution prévoit des moments, petit à petit, pour faire des activités pour apprendre à trouver des centres d’intérêts.
Moralité de l'histoire je vous souhaite de ne pas devenir dépendant, sinon j'irai m'occuper de vous.